0 - Toutes les Dernières Fois, Los Alamos, Jemez Mountains, Springs, San Ysidro, Zia, Santa Ana, La chambre à Albuquerque

Ultime visite à Michael, qui me dit: "Marie, à la prochaine..." On s'embrasse.
Mettre les bagages dans le coffre!
Prendre la route, comme d'habitude, même si...
A Pilar je ne résiste pas et tourne à droite.
Au printemps revoir la rivière, les arbres ont viré au vert tendre, et le rouge des saules paraît un peu plus pâle sur le gris rouillé de l'eau. Plus bas les remous, les rochers. Re-photographier ma rivière solitaire.
Un geste pour marquer le moment, et tous les autres avant.

Avant Espanola, je passe dans Ohkay Owingeh, continue le long de la Chama River.

Ensuite l'inconnu des Jemez Mountains, par la HW30, pour aller à Los Alamos (Premiers essais nucléaires!), il fallait bien une High Way, qui donne la mesure de ce qui s'y fit et du lieu de recherche que c'est devenu. Impressionnant. La route 4 maintenant, taille habituelle, nids de poule et tournants serrés, et qui monte sec entre sapins et bouleaux.

A nouveau cette sauvagerie à 2 pas de la plus haute technologie, les canyons immenses, la forêt à perte de vue.Tout en haut, on découvre d'un coup une cuvette volcanique qui annonce les sources chaudes le long de la rivière Jemez, qu'on suit en partie quand on redescend côté sud. Traversée de la petite ville de Jemez Springs avec ses établissements de cure thermale. Plus loin encore, les bassins d'eau chaude, où il fait bon se baigner en toute gratuité.

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Quand je retrouve la plaine, à un croisement, il y a un pont sur une rivière charmante. Je descends prendre quelques photos, un mobile home s'arrête, le conducteur m'appelle, je pense qu'il veut me demander un renseignement, sourire intérieur à l'idée de ma probable ignorance. Il s'agite beaucoup, hilare, heureux. "Ah je vois vous êtes photographe, alors 10mn, madame, 10 mn..." Je le coupe: "Je dors à Albuquerque c'est encore drôlement loin il faut que je trouve l'hôtel, le soleil est presque couché..." Il m'interrompt: "Non, non, vous devez prendre le temps, 10 mn pour aller au bout de cette petite route dont je viens. Vous ne pouvez pas rater ça, vous verrez, après le tunnel, vous regardez, c'est tout." Je lui souris, "d'accord!". Il démarre, enchanté de la beauté encore en lui.

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Je finis mes photos avec sténopé, maudis mon départ trop tardif de Taos. Et prends la petite route. Traverse un de ces nombreux hameaux du Nouveau Mexique mi- abandonnés, mi-habités de gens qui vivent de presque rien. La beauté partout autour d'eux. Est-ce moins dur? 

Juste avant le tunnel, il y a la mesa que j'ai longée tout à l'heure sur l'autre route, mais sans la voir comme ici dans sa rouge draperie, splendeur soudaine à la sortie du tournant.

La rivière qui coulait tranquillement dans la plaine, entre les hautes herbes ou les arbres, se transforme en un torrent brun, tumultueux, écume éclaboussante, qui dévale dans les énormes blocs entre les parois resserrées du canyon. J'y reste plus d'une heure (comme je le redoutais) à regarder, à photographier.

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Le soleil disparaît. Je retrouve la grande route qui traverse mesas et villages indiens jusqu'à Albuquerque. De temps en temps une échappée encore ensoleillée. C'est joué, je le savais en partant, comme d'habitude j'arriverai dans la nuit avec mon plan approximatif...

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Longue et somptueuse journée...

Dernière nuit en Amérique et je pense à toi (comme souvent, ici et ailleurs d'ailleurs) car la chambre te plairait énormément.
Je pars demain, avec une semaine de retard.
Taos, c'est fini.   

90 - Sand Dunes, Zappata Falls, les Chevaux, Rio Grande dans la Plaine, Mesas, Orages

6h20,Départ pour les Great Sand Dunes au nord de Taos, dans le sud du Colorado. Avec Cécile en 2006, on les avait aperçus au loin, sans s'arrêter. Jean-Marie Douau m'a parlé des 2 rivières qui les bordent: au sud le Medano Creek et le Sand Creek au nord. George propose de venir.

Vides la Highway 64 jusqu'à Tres Piedras, et la 285 jusqu'à Alamosa, on roule vite, juste un arrêt pour l'essence et un café.

Rosies par le jaune si pâle de l'herbe, les dunes bientôt, étales aux pieds des Sangre de Cristo Mountains.

Echappés en douceur des montagnes, les nuages avancent. Gigantesque ouate en mouvement.Au Visitors Center un film explique le cycle infini des dunes, étranges d’être ici, de l'eau, du vent, du sable. Quand on sort, vent glacial. On marche un peu vers l'eau que j'avais vue de la fenêtre du Visitors Center, mais elle s'amoindrit au fur et à mesure qu'on avance. De près c'est un mince filet qu'absorbe aussitôt le sable. Trop tôt, la fonte des neiges commence juste.On décide de se rattraper avec les Zappata Falls. Le nom déjà est enthousiasmant! Route, piste et sentier. Ça monte pas mal. Elle est où la rivière? Là, une coulée de glace sort de la montagne.Je monte sur la glace et avance. La voilà, absolument silencieuse, l'énorme chute glacée. Soudain juste après un détour, le fracas de l'eau. J'essaie d'avancer mais le sol très en pente et une légère pellicule de glace fondue rendent tout horriblement glissant. Je ne la verrai pas cette eau que j'entends si fort!

George fait le tour par dehors pour essayer de la voir d'en haut. C'est un sentier qui monte vers un lac avec des vues sur les magnifiques sommets autour et la plaine à l'infini: au premier plan en bas les dunes de sable, et sur les flancs de la montagne en face de hautes prairies claires, presque jaunes dans le vert sombre des sapins et le gris des autres arbres.

Le chemin ne s'approche à aucun moment du haut des chutes. On redescend. Pique nique rapide.

Le donut, inévitable achat dans cette boutique de station service, bazar, super marché de l'essentiel. A la caisse, devant nous, un grand type magnifique genre pionnier de cinéma, en long short sur lequel George fait une remarque et il lui répond qu'hier il faisait très chaud et qu'il s'est aperçu en sortant ce matin qu'il faisait bien froid et que oui il devrait savoir depuis tout le temps qu'il habite ici, non ça n'allait pas forcément se réchauffer, en plus le vent s'est levé froid et violent, et il était déjà parti, heureusement, il avait sa canadienne bien chaude dans la voiture et tout ça avec des yeux complètement limpides, en rigolant et une tête à peindre et l'allure aguerrie de quelqu'un qui vit toujours dehors. Je lui ai bien dit que cela me plairait de le photographier avec sa veste et son short mais il n'a pas eu l'air du tout d'avoir envie.

Dans un des petits villages où on passe il y a un mini office de tourisme, on a lu quelque part, que sur la petite route qu'on allait prendre, y'avait plein de trucs à voir. J'entre dans le bureau assez sombre et j'entends le bonjour venu de derrière la porte qui, tant qu'elle n'est pas fermée, cache une vieille petite dame à son bureau en train de tranquillement tricoter. Je lui demande: "Alors la 142, là qu'est-ce qu'il y a à voir?" Grand silence étonné. "Vous allez où?" Je répète ce qu'on a vaguement lu et elle: "Ah non, je ne connais mais pas du tout. Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a à voir sur cette route. Vous feriez mieux pour aller à Taos de prendre par Questa." En regardant les dépliants au fond, j'en trouve un qui parle justement des églises, des pétroglyphes… le long de la route qu'on va prendre. Elle regarde et me dit: "Ecoutez, moi je ne vois rien de rien sur cette route mais allez-y vous me raconterez."

On prend la petite route qui passe dans la haute plaine, les mesas et sur le Rio Grande. Magnifique. Je descends jusqu'à la rivière pour prendre des photos et là 4 chevaux arrivent au galop, ralentissent, s'arrêtent juste en face, sur l'autre rive, me regardent, boivent, marchent dans l'eau. Des oies sauvages approchent. Merveilleusement tranquille. Ils repartent en galopant vers la mesa à droite, avec une maison au toit rouge, en haut. On n'a rien vu d'autre. Elle avait raison la dame.

Le reste du retour se fera dans une lumière d'orage tout autour. Nous serons épargnés par la pluie jusqu'à la fidèle 64.

En rentrant je trouverai un triste message du type aux lamas. Il est mort mais tous les autres vont très bien. (cf. 8 avril 2010, Little and Big Arsenic Springs). La pluie en souvenir.

   

88 - Tune Drive, la Directe, Manby Hot Springs, Adieux à la Lande et à la Morada, la Fenêtre

 SOFT SHOULDER, j'aime toujours  cette expression qui continue de me surprendre, chaque fois que je la croise. "Epaule tendre". Non,  "accotement non stabilisé". Ne pas s'y abandonner.Fin d'après-midi, je prends la Tune drive, comme m'ont expliqué Adrienne et Leaf pour trouver les Manby hot springs, un peu plus bas sur le Rio Grande dont ils m'ont parlé dimanche.Après la très longue piste, j'arrive au chemin qui descend vers la rivière. Je me perds et prends "la" voie  "Directe" qui dégringole à pic dans une sorte de chaos de roches avec stations ombragées et sablonneuses.Arrivée presque en bas, je ne vois toujours pas les Manby hot Springs. et abandonne d'y aller. Trop tard.Remonte en prenant mon temps, c'est plutôt de l'escalade très facile que de la marche, mais j'aime bien ça.Et trouve, en passant un peu plus à droite le chemin qui continue en pente très douce. Les sources sont probablement plus en aval. J'irai, si j'ai le temps, un matin avant de partir.En rentrant je passe devant cette maison eartship, puis les double wide.Comme toujours la lumière passe assez vite du bleu au rose tendre presque déchirant sur le cimetière.La lande, la morada. Heather qui part demain, en revient. On parle 5 minutes. On s'embrasse, on se quitte.Je marche dans l'odeur de la sauge, des pins pinions et des genévriers devenue familière, comme le sont la ligne des crêtes au fond, la croix noire de Georgia O'Keeffe, et la blanche sur la Morada, la rectitude du sentier, les replis du terrain, le rouge craquelé de la terre.Juste le vent inconnu encore de ce soir de printemps pour adoucir le nevermore.Toutes les dernières fois se succèdent. Ça fait drôle.Cette maison est sur le chemin qui longe le cimetière.  La nuit tombée, en repartant, je voyais sa lumière dans la nuit. Une femme lisait ou marchait, effaçant le feu dans la cheminée dans ses allers et retours. Ce soir, il y a aussi un homme.Chaque fois je me demandais quelle était la vie de cette femme. Avait-elle choisi d'habiter si près du cimetière ou était-ce une maison de famille? Vivait-elle seule? Cet hiver, la fumée ajoutait à mon impression d'une chaude chaleureuse maison.Malgré mon envie, jamais frappé à la porte.En rentrant, je dîne seule. Porc au gingembre, à l'ail, au soja et riz blanc.

87 - Clear Creek, Cimarron, sur la Piste de Santa Fe, Wild West, Saint James Hotel

Départ à 8h00 pour Cimarron, ville de l'ouest sauvage, avec George.L1100725  On passe évidemment par le World Cup pour emporter le meilleur café de Taos. Puis l'éternelle 64 qui monte vers Angel Fire et Eagle Nest  (Ah! Les noms)  et son lac, encore gelé.C'est le printemps dans les hautes plaines entre 2 cols, l'eau ruisselle partout, emplit les terres les plus basses. Une sorte de douce inondation qui vient quelquefois jusqu'au bord des routes et qui ne préoccupe personne.De l'autre côté de la montagne, pour descendre vers Cimarron on roule dans un canyon qui suit les caprices du Clear Creek.Tout d'un coup magnifique échappée sur la rivière qui, gonflée par la fonte des neige et les orages d'hier soir, s'étale là où le canyon s'élargit.Plein d'oiseaux, des plaques de neige, des arbres, des rochers. Je prend le sténopé et marche au bord de la rivière, vers la forêt. Georges reste dans la voiture:- "Prends ton temps, Marie."

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On arrive à Cimarron, la ville au milieu de nulle part, ranches, chevaux, rues à angle droit, platitude, sur la mesa qui est une des limites de la ville, l'immense réservoir.cimarronL1100783Dans le café galerie où on entre, on s'assoit sur les tabourets à l'assise en forme et aux couleurs de capsule de coca cola, derrière le bar, la bouteille de lait au nom du plus vieux ranch du Nouveau Mexique à être tenu par la même famille, la serveuse comme on l'attend et sa cliente qui lui montre les 2 derniers colliers qu'elle a faits pour la vente de charité qui a lieu dimanche prochain, les bijoux indiens, la collection sur 12 m de long au moins et 1m de haut de "patches" et la serveuse nous dit:- "Ils viennent de toute l'Amérique et de Russie, Pologne, Argentine"- "De France?"- "Non!"Pendant qu'on sirote notre café, elle nous raconte l'histoire de la ville, les tueries, Maxwell, la County Colfax war, les balles dans le plafond de l'hôtel Saint James,- "Il faut absolument que vous alliez le visiter".Entre un Américain. Il dit toute sa nostalgie d'avoir quitté Cimarron, sa ville, son enfance:- "Comme c'était bien!, je veux revenir, vous ne connaîtriez pas quelque chose à vendre…"La plaza, très grande et presque vide où les émigrants vers l'ouest, campaient. On passe dans les rues, ahuris devant les maisons dont certaines datent probablement de l'origine de la ville, plein de muraux, des vieilles voitures partout, des daims sous les arbres devant les maisons, des chevaux, des chiens et autour l'espace sauvage.

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On essaie un autre magasin complètement western, même accueil avec envie de raconter sa ville. La femme nous montre des chapeaux de cow-boy de toutes sortes, des chemises… des jeans, des santiags et autres bottes, au fond, l'atelier de son mari qui est sellier.Elle nous indique un tout petit "deli", the Porch où tout est bon. Oui délicieux et frais, dehors les légumes et fromages et fruits qu'elle vend.

Visite obligée donc de l'hôtel Saint James où le patron prend un grand plaisir à nous montrer le plafond percé par les fusillades et les chambres où Lew Wallace a écrit une partie de Ben Hur. Où ont couché Annie Oakley, Buffalo Bill, Jesse James, Remington, White Earp.L1100845Dans le hall des têtes de wapiti, bison et un lion des montagnes ou puma, plus grand que je ne l'imaginais. Il paraît qu'il en reste dans la forêt autour.Retour à Taos. Tranquille soirée avec Robbie et Jim au Lambert's restaurant qui est le meilleur de la ville, à leur avis. Et oui on s'est régalé. En plus plein de photos et de tableaux sur les murs.Les adieux commencent!

86 – Satanés bagages, Taja, Pablo Flores, Rainbow, Maison Rouge, Ciel de Théâtre

Cette nuit ai très mal dormir à cause des bagages à composer ou de la fin de cette résidence qui approche?

Après déjeuner, je repars pour le rendez-vous avec Taja et Pablo Florès.Plein de monde dans la boutique.De Pablo, point. Taja l'appelle. Ben non il ne peut pas venir.Tant pis, pas grave, curieusement je m'y attendais.On repart dans la découverte réciproque de nos vies, je lui montre des photos. Elle adore les polaroids.A 18h00, on est encore entrain de bavarder. On échange nos adresses. On se quitte.Je vais rendre la petite valise que j'ai achetée, en choisis une bien grande. Ce soir je la testerai. Conchita, je suis sûre que tu rigoles et penses à Venise. Pourtant j'ai été très raisonnable mais avec le froid j'ai acheté des snow boots énormes, une veste polaire épaisse, des livres...Pour l'instant en rentrant, rue Kit Carson,  j'aperçois un immense arc-en-ciel, fonce vers la 64. Photo. Comme si le 101 avait été choisi pour communication entre l'en-haut par l'arc et l'en-bas par la flèche.Derrière les montagnes embrouillardées, des éclairs, un assombrissement orageux, alors que le soleil brille à Taos. Je repars vers l'ouest pour le soleil, le nord pour avoir une vue plus libre. Les nuages, plutôt des nuées  filtrent la lumière orangée du soleil, l'étalent, la répandent, non, la vaporisent à l'horizon.Plus de soleil, plus d'arc en ciel. La lumière blanchit, bleuit, d'immenses nuages viennent dans le pare-brise.Fin de la pièce. Juste les vaches bleuies de crépuscule. Paître toujours. Les lumières s'éteignent.Bagages. Jeter l'inutile, c'est déjà mieux. Rassembler ce que je ne mettrai plus. La grosse valise se remplit. Et il ne reste que peu de choses finalement.Ça va aller. Demain, je pars très tôt pour Cimarron.Pour finir la soirée en plaisir, retour au blog. Le lien avec les proches.A bientôt.

85 – Dimanche au Bord de l'Eau, Encore les Blackrock Hot Springs, Empenadas, Dorothy Brett, Carolyn Gage, Patty Sheehan

Tôt le matin je pars pour les sources chaudes le long du Rio Grande.A la sortie de Taos, breakfasters et vagabond qui compte ce qui lui reste.La piste et ses cavaliers du dimanche, en bas, au pont, pêcheurs, kayakeurs, familles, commencent à arriver.

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 Je ne reconnais plus l'endroit enneigé parfois, toujours solitaire où je suis venue plusieurs fois.Au départ du chemin pour les sources, personne. Au bassin non plus. L'amie de Robbie, spécialiste des pétroglyphes m'avait dit qu'à proximité des bassins d'eau chaude il y avait en général des signes pour les indiquer, visibles quand on passait en bateau. Je suppose que ce sont ces deux ondes que je vois sur le rocher.J'entre dans l'eau. Très chaude. Ah si j'avais connu l'existence de ces sources je serais venue avec la neige autour, cela aurait été formidable. Ce matin j'en profite, admire le paysage, nageotte en rond, essaie le bassin voisin où l'eau chaude se mélange à l'eau du Rio Grande, froid mais supportable. Ce qui me surprend encore plus que la température, c'est sa limpidité et sa couleur. Pendant que je suis dans l'eau des kayakeurs passent puis deux hommes dans un énorme bateau en caoutchouc s'approchent me font coucou et me demandent si c'est aussi délicieux que ça en a l'air. Me laissent à ma paix.Quand je finis de me rhabiller arrivent 2 jeunes, en balade. En voyant l'eau si claire, ils pensent qu'ils ne vont pas résister et se baigner. On discute, lui se présente,- "Leaf, oui comme la feuille d'un arbre". Je rigole:"Tes parents étaient des hippies, non? flowers peace and love!"- "Oui, c'est exactement ça. Et d'ailleurs c'est toujours des hippies".La fille s'appelle Adrienne et dit:- "Oh, c'est agréable, vous le prononcez à la française. Ici ils ne savent pas comment le dire."On bavarde un peu.A 16h, on a rendez-vous pour finir les empenadas. Hier on a fait la farce. Maintenant George découpe la pâte et je remplis les cercles qu'ensuite je plie en 2 et ferme.On en fait une cinquantaine pour le repas de ce soir. Il y aura tout le monde et Michael, sa femme Toni et les "members of the board". En fait je ne sais pas trop comment on dit en Français.Après le délicieux dîner, Carolyn et Patty Sheehan, la chanteuse de Don Juan (cf. 14 février, Saint Valentin), lisent la pièce sur Dorothy Brett et DH Lawrence que Carolyn a écrite depuis qu'elle est ici.Encore une fois j'admire la vie et l'écriture de la pièce. On en parle, soirée chaleureuse, et voilà.  

82 – Big and Little Arsenic Springs, Lamas, Stuart Parle de la Sauvagerie d'Ici, Descente au Rio Grande

Matinée à répondre aux mails. Confirmation de la date de vernissage de l'exposition autour de la revue Conférence à l'abbaye de Port Royal des Champs, le 22 mai.Aujourd'hui, grand beau, j'ai décidé de retourner dans les gorges où la Red river rejoint le Rio Grande, au nord de Questa. De jour et par le côté du Rio Grande.Lorsque j'arrive sur le parking d'où part la balade que j'ai choisie "Big Arsenic Springs", il y a un type genre baroudeur, en train de fermer son sac à dos et un camion avec des lamas.- "Hi, vous avez l'air de quelqu'un qui connaît tout ici.- "Oui ça fait 20 ans que je me balade par ici. Mais là, sorry, j'ai pas le temps de parler."Je lui demande quand même si les pistes se rejoignent en bas et si on peut faire une boucle et combien de temps ça prend.- "Oui on peut, ça prend une bonne demi journée." Il a un air complètement inquiet et se dirige vers le sentier.- "Qu'est-ce qui se passe?  Pourquoi vous laissez les lamas dans le camion? Je peux vous aider? Prévenir quelqu'un?"- "Non j'ai appelé les pompiers, ils ne vont pas tarder. Un lama a trébuché, et a déboulé dans la pente, il est blessé et a une patte cassée. Il est plus bas sur la piste."Il ajoute que ça ne lui était jamais arrivé depuis qu'il organise des balades avec les lamas.- "Ici il ne faut jamais oublié que c'est vraiment sauvage, il faut toujours faire attention à tout, rien négliger, mais là, on n'y peut rien. On va le remonter, je pense que le vétérinaire pourra faire quelque chose."Je lui dis que je compte le suivre car c'est la randonnée qu'on m'a conseillée quand on ne connaît pas.- "Non, surtout, n'y allez pas, il y a du sang partout et le lama est sur la piste. Excusez-moi, j'aurais bien voulu vous parler des endroits, etc… Là il faut absolument que j'y retourne. Bye."Il a raison etde toute manière ça m'a plutôt refroidi,  plus du tout envie de cette balade.Je repars pour le parking suivant avec la randonnée "Little Arsenic Springs" qui a l'air très équivalente. Croise les pompiers qui ralentissent à ma hauteur.- "Oui, je viens de le voir, le type aux lamas, il est juste là, à 300m et il est redescendu sur le sentier." Les pompiers, c'est 2 Indiens plutôt âgés.Je me demande comment ils vont faire, tout en pensant qu'à 3 expérimentés, sur, ils y arriveront.Descente par larges étages, et quand j'arrive à celui qui domine le Rio Grande, c'est superbe de découvrir l'eau scintillante entre les arbres et les rochers.Je descends jusqu'à l'eau. Vraiment  sauvage, comme il disait. Et sur la photo ça ressemble complètement à Pierrefeu!

Reprends la piste et arrive aux sources, les "Little Arsenic Springs", bien sûr.

Remontée. La première partie ça va bien, malgré le soleil encore très très chaud. Qu'est-ce que ça doit être en été? Je traverse le plateau médian, splendide balade, et attaque la dernière partie, beaucoup plus raide. Et peine. M'arrête pour regarder les vautours qui planent dans le vent. Repars, regarde les cailloux, avance doucement. Et lorsque je ne suis plus très loin, vois un banc sous un arbre. J'en profite pour m'arrêter, boire, manger 3 biscuits. Et arrive à la voiture, fourbue mais très contente.

Pendant le retour, je verrai des oies sauvages,  loin, au-dessus de l'autre rive, des daims, un wapiti. Pas eu le temps de prendre de photos. Dès qu'ils entendaient la voiture, ils disparaissaient entre les arbres. Juste un nuage de poussière.

Et bientôt Questa, pas très riche et déjà dans les montagnes. 

81 – Le World Cup, Uma Petite Fille Douée, Discussion avec Pamela, les Collages de Romare Bearden, Balade du soir au Rio Pueblo

Le bloquage informatique continue, je m'acharne,  puis demande à Cédric. Problème rapidement résolu. Je continue à travailler sur les photos. N'ai pas le courage de sortir. Temps froid. Et puis George frappe:- "Tu m'accompagnerais à la poste et prendre un café", ajoute-t-il en voyant ma tête.- "Oui ça tombe bien, j'ai besoin d'un changement d'air."Poste d'abord, il récupère ses paquets, je demande des renseignements pour l'envoi éventuel d'affaires en France. C'est J-, euh, je compte sur mes doigts, J-11. Le temps s'accélère. Faut penser à rentrer.

Au World Cup, le bar préféré de George, d'après lui c'est là que tout se passe, le café est bon et les 2 serveuses vraiment sympas et marrantes.The Best Little Coffee Shop in TaosGreat spot to people watch - located on Taos Plaza - local hangout for artists and other eccentric hipsters and a must for anyone passing through. The coffee is great, the barristas are both pretty and friendly and although the space itself is tiny, the outside balcony is the best place in town for a shady seat and an eye on Taos. Sunday mornings are especially busy and at any time you might be suprised by who is waiting in line behind you. Could be Julia Roberts in that hat pulled down low. Prices are comparable to Starbucks and other espresso bars.Ce matin, y'a un père et sa fille juste à côté de nous. Elle s'appelle Uma et a autour du cou une très jolie petite bourse jaune qu'elle a fabriquée et peinte. On la complimente, alors tout le café vient voir la pochette, on admire, on s'exclame... Elle disparait, sans qu'on s'en aperçoive. Nous parlons avec son père et les serveuses, regardons les cafetières italiennes à vendre, demandons le prix, c'est cher, mais George va quand même peut-être en acheter une. Tout d'un coup, Uma arrive comme elle était partie. Elle a  5 ou 6 pochettes qu'elle pose joliment sur le comptoir. Elles sont toutes différentes. Je lui dis:- "Elles me plaisent beaucoup, tu les vends?"- "Oui",- "Combien?"- "2 dollars."J'en achète deux, George une. En 5 minutes, elles étaient toutes vendues et signées par l'artiste.- "Puis-je prendre une photo de toi, en souvenir de ce moment?"J'avais oublié. C'est mon jour de lessive. En allant à notre laverie commune, je croise Pamela:- "J'ai vu que tu étais partie "lessiver", mes affaires sont encore dans le séchoir. J'arrive."Je suis en train de lire. La lessive se fait. On se met à discuter peinture. Elle veut parler de la guerre Mais elle ne sait pas par où commencer. Trop de strates, trop d'approches possibles et puis comment faire pour que les gens soient touchés, décident de refuser que les interventions armées américaines continuent…  Peut-être avec des collages.- "Romare Bearden, noir américain  fait de magnifiques collages. C'est en voyant ses collages que j'ai pensé à utiliser cette technique...."J'aime beaucoup ce que fait Pamela. Comme souvent du coup je me trouve éparpillée, pas assez articulée. En même temps comme hier avec les interstices, j'ai toujours un peu l'impression que les digressions, les détours  font partie des récits qu'ils soient écrits ou phographiés.Je rentre avec ma lessive sèche, et me remets à l'ordinateur. Lassitude donc.Vers 18h,  la fin de journée est trop belle, je pars faire un tour. Jeter un coup d'œil au Rio Pueblo pour voir à quelle heure le soleil disparaît au fond du canyon. Route vers le sud. Nuages effilés qui avec la nuit vont se désagréger, et ici aussi, cette curieuse impression que la rivière garde la lumière du jour en elle.

Phosphorescence argentée, ça doit pas être possible.Bonjour, je vais au lit. 

80 – Anniversaire, Visite, Interstices

C'est l'anniversaire de Jean-pierre.

8h, le téléphone sonne, c'est Jean-Marie qui arrive à Taos dans une heure:- "Es-tu à la Fondation ce matin? Peut-on se voir, et Marie peut-elle venir avec toi le temps de mon rendez-vous? Elle en a assez des business appointments."- "Bien sûr, on va se prendre un petit-déjeuner chez moi, en t'attendant."Je les retrouve au Visitors Center et emmène Marie. On se prend un bon petit déjeuner en bavardant.Jean-Marie nous rejoint un peu plus tard. Les anecdotes américaines vont bon train. Jean-Marie et moi sommes très bavards, Marie très patiente.Nous allons déjeuner au Doc Martins. Puis ils partent vers Alamosa. Bonne route!

Je rentre tranquillement et passe l'après-midi à pas faire grand chose. Efficacité extrêmement réduite aujourd'hui. Ah! Si j'arrive à bloquer tout le système mail en voulant envoyer une douzaine de chansons à Jean-Pierre dans un mail d'anniversaire. Dès que j'ai cliqué sur "envoyer", gmail me dit taille de fichiers dépassée mais il essaie quand même d'envoyer alors la petite roue tourne des heures en vain… Je vais me coucher sans réussir à éliminer le mail qui bloque tout.

Qu'il est bon de ne rien faire. Les interstices ne sont-ils pas nécessaires au cerveau pour se régénérer.

Une ronde de nuit avant d'aller dormir.



 

 

79 – Red River, Pêcheurs de Truites, Oies Sauvages et Loutre

Ce matin je pars tôt, pour retourner au nord de Questa, descendre la petite route qui mène à une pêcherie sur la Red River. Y sont déjà quelques pêcheurs à l'entraînement dans un bassin.Partent le long de la rivière un père et son fils. Je les suis, très vite m'arrête pour prendre quelques photos avec le sténopé. Les vois un peu plus bas. M'approchent. Ils sont assis à l'abri du vent et ne m'entendent pas arriver. Ils paraissent au paradis, bienheureux. On échange quelques mots tous les 3, tellement contents de cette journée de soleil et de paix, ici.

Je voudrais continuer jusqu'au Rio Grande pour voir d'en-bas ce que j'ai imaginé avant-hier d'en-haut.Quelques arrêts. Après plus de 2 heures le canyon se resserre, je ne devrais pas tarder à arriver.Tout d'un coup sur l'autre rive,  2 oies sauvages. Elles ont l'air de se parler et de chercher quelque-chose.Occupées en tout cas au point de me laisser les prendre en photo.J'approche un peu plus, elles s'envolent.Juste le froissement soyeux des ailes déployées dans l'air.Je continue. La rivière s'engouffre dans le canyon à angle droit. Sur la rive que je suis, les rives laissent la place à des falaises verticales. Impossible de continuer sans se mettre à l'eau. Pas assez aguerrie, Marie!Pour changer une pellicule, je m'assois confortablement sur un grand rocher à moitié dans la rivière… A un moment sans raison, je regarde l'eau juste en-dessous, à ma droite. Ce que je pense être une loutre, là, à 1m50!  Je la vois qui me regarde. Le temps de photographier, elle a déjà plongé.Là-bas, elle remonte le courant. Emerge. Court. Plonge. Nage. Aisance absolue.

Retrouve les 2 pêcheurs, qui se sont installés plus bas, ont quitté leur veste, toujours le même plaisir. Ils ont attrapé des truites brunes et arc-en-ciel. Je leur demande s'ils ont vu quelque chose dont je ne sais pas le nom en Anglais, un mammifère!Ils disent que oui ils ont vu ... je ne comprends pas quoi. Ils continuent:- "You're very lucky, you know...",  car eux qui vivent ici et pêchent souvent, c'est la première fois qu'ils en voient une. Mais quoi? Je ne comprends toujours pas! Alors il répète:- "river otter". En arrivant chez moi je regarde et oui c'est bien une loutre!  et qu'elles avaient disparu depuis le début des années 50 des rivières du Nouveau Mexique. Elles sont réintroduites depuis peu dans le rio Grande, la Red river etc...

Dans l'autre sens, c'est la même rivière, mais pas la même, avec le soleil de plus en plus bas et l'ombre qui monte.
Ecrire maintenant et choisir les photos. Et dans la soirée,  je demande à George s'il peut me montrer comment mettre une musique sur les quelques secondes d'ombre sur l'eau. 8h-10 pour vous, je vais dormir.