traces d'herbe dans la boue d'argile
la poussière sur la peau
ombres laiteuses des araignées d'eau
pâle éclat, tranquille fraîcheur de ce trou d'eau
trop vite à l'ombre alors d'un vert profond
mais plus haut l'eau ruisselle, transparente, juste à la cheville
je respire et je sue
je m'allonge sur les grandes pierres et le soleil m'enivre et m'endort
le soleil sur la peau
le bruit de l'eau
je pense alors : la sensation est le détail, cette attention particulière qui repousse
la limite entre moi et le monde
je suis raccord avec le monde
la femme allongée, le dos du dragon, les seins qui pointent
ce sont nos cimes ce sont nos cieux
animaux extraordinaires et sensuels
le bleu du ciel, me dit-elle, j'ai enfin compris
le ciel n'est pas juste air il est soudainement bleu
les montagnes sont bleues, bleues dans le lointain, bleu comme l'inespéré
nous sommes des chevaliers aux bras innombrables qui voudraient peut-être s'agiter encore,
qui voudraient peut-être s'allonger jusqu'au dragon,
jusqu'à la femme, jusqu'aux seins de la
femme allongée
les forêts sont d'aiguilles et de paille
aussi soudainement que le ciel revêt sa couleur, retentit
le bruit de l'eau
et je pense alors :
de près, de loin, c'est un paysage que je vois, aussi vaste que la profondeur de champ d'une photographie
no limit
le monde, nous raccorde
