Je suis l'herbe fauchée

Je suis l’herbe fauchée, le cimetière, la paillasse, le sol sur lequel tu t‘allonges. Je suis l’épaule, je protège, je suis la peur, j’ai peur, si tout s’arrête, quand tout s’arrête, que se passe-t-il ? Je suis moitié vierge, moitié cheval, je sens l’arbouse, je suis l’orangeraie, le citronnier. Je suis le temps qui s’arrête et s’immobilise. Je suis immobile. Près de moi les flaques de boue, les mystères, les diadèmes. Je suis immobile, je guette chacun des gestes, chacun des mouvements. J’observe sans qu’on me voie. Je suis tapie dans l’ombre. Tous les massacres m’écoeurent. Je ferai chanter celui qui a commencé, quand je le retrouverais. Je le retrouverai. Je te retrouverai. J’érigerai le cœur de la biche en totem. Et tu danseras autour. Jusqu’à la mort, et bien plus. Jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à ce que tu tombes par terre, que tu mordes la poussière, que tu manges les vers, les limaces, jusqu’à ce que les cactus te tirent dessus, te harcèlent, jusqu’à ce que ton sang coule, jusqu’à ce que ton sang ruisselle et retourne vers ceux que tu as opprimés. Je retrouverai la trace des dinosaures, des mammouths, des glaces éternelles. L’automne arrivera, le vent dans les rosiers soufflera, je retrouverai le laurier, la sauge, je soufflerai sur les dieux, ils partiront, ils iront danser dans les mers, ils feront taire tout tremblement, ils amèneront l’air liquide, et sensuel.

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Je ne suis pas vivante, je suis minérale, je suis les volcans éteints, je suis déjà morte, déjà morte depuis mille ans, je suis une sœur, un frère, un père. Je suis de tout les pays, je ne suis pas de ce monde, ni locale, entends-tu ma voix ? Je regarde aux fenêtres, je regarde aux serrures, je regarde dans les vitres, je vois les songes, je vois les alliances, je vois le noir et le rouge. Je suis comme un lierre, comme une marée, je me retire en attendant les vagues, j’attends.